Vendredi 26 Juin 2015

Banques marocaines en Afrique : Prennent-elles trop de risques ?

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Selon un rapport du FMI, BAM préconiserait une pause dans la politique d’expansion africaine des trois grandes banques marocaines pour limiter les risques transfrontaliers. Abdellatif Jouahri assure que la Banque centrale garde un oeil sur toutes les opérations bancaires marocaines dans les pays d’implantation, et qu’elle ne ménage pas ses efforts pour rehausser le niveau de régulation en Afrique.


Les trois grandes banques marocaines (Attijariwafa bank, le Groupe Banque Populaire et BMCE Bank) vivent une véritable success-story en Afrique subsaha­rienne. Le secteur bancaire marocain a fait de sa crois­sance externe sur le continent l’un de ses leviers de dévelop­pement les plus performants. Il est aujourd’hui présent dans 22 pays à travers 40 suc­cursales, majoritairement en Afrique de l’Ouest et centrale. Les activités africaines repré­sentent près de 20% du bilan des trois majors bancaires. Et tout porte à croire que cette croissance externe (prise de participations, rachats) est amenée à se poursuivre. Pourtant, un grain de sable est venu enrayer cette belle mécanique : le portail égyptien Zawya, récemment racheté par l’agence Thomson Reuters, assure, en citant un rapport du Fonds monétaire interna­tional, que Bank Al-Maghrib (BAM) s’inquiète de l’expan­sion rapide des banques marocaines en Afrique.

Une pause est nécessaire

Le rapport en question date d’avril 2015. Il est consultable en anglais sur le site du FMI et s’intitule «l’expansion subsa­harienne des banques maro­caines : challenges et oppor­tunités». On peut notamment y lire que la Banque centrale a demandé aux trois banques concernées de consolider leur présence dans les pays où elles se trouvent plutôt que de s’implanter dans de nouveaux pays. En d’autres termes, BAM préconiserait une pause dans la politique d’expansion africaine des trois majors. Cette demande de BAM serait liée aux risques inhérents à l’activité bancaire en Afrique (risques de contre­partie, risque opérationnels, etc.) qui peuvent s’avérer pro­blématiques pour le secteur bancaire marocain du fait de son caractère transfrontalier. En effet, le fait que dans certains pays subsahariens la réglementation prudentielle ainsi que les institutions de contrôle soient parfois encore embryonnaires, fait peser la menace d’une contagion macro-financière du secteur bancaire marocain en cas de crise. Certes, nous n’en sommes pas encore là, et le FMI, dans ce même rapport, loue la résilience des banques marocaines et la solidité de leur modèle. Mais cette sortie du FMI nous rappelle que l’en­vironnement bancaire africain n’est pas exempt de risques d’ampleur et de magnitude plus ou moins grandes.

Jouahri a un oeil sur tout

Finances News a interrogé Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, à l’occasion du Conseil de la Banque centrale, sur la question de l’expansion des banques marocaines en Afrique. Prennent-elles trop de risques ? Et comment la Banque centrale assure-t-elle le suivi des opérations afri­caines ? Sa réponse s’est voulue très rassurante: «Les choses sont suivies de très près», assure-t-il. «Vous croyez que nous ne savons pas quelle est la situation de nos banques africaines ?», tonne-t-il. «Depuis 2004, la Banque centrale soutient le développement du secteur bancaire marocain en Afrique. Elle suit de près l’évolution de la croissance externe des trois banques concernées».

Pour mieux nous convaincre, Jouahri énumère de façon exhaustive les différents dis­positifs mis en place pour superviser l’expansion des banques marocaines en Afrique. Au centre de ce dis­positif, on retrouve le comité Afrique qui réunit 2 fois par an la Banque centrale et les trois banques. «Nous avons demandé aux trois majors un programme triennal», explique le Wali de BAM. «Nous leur avons demandé, dans le cadre de ce plan triennal, de nous indiquer quels sont les moyens qu’elles vont mettre en oeuvre et quels sont les impacts au niveau de toutes les règles prudentielles : solvabilité, liquidité, gou­vernance, etc…», souligne Jouahri. Par ailleurs, assure-t-il, un intérêt particulier est accordé aux filiales africaines, car c’est à travers elles que le risque de contagion pourrait survenir. En termes de règle­mentation, elles sont logées à la même enseigne que les banques marocaines. «Nous faisons appliquer aux filiales les mêmes règles que les banques marocaines. Elles ne peuvent pas les consolider selon des règles différentes. Elles sont obligées de pro­céder selon les règles maro­caines, à la fois comptables et prudentielles», précise Jouahri.



Tirer vers le haut les régulateurs

La veille contre les risques transfrontaliers passe égale­ment par de très nombreux échanges avec les régula­teurs africains.«Nous avons passé des accords avec tous les pays où se trouvent les banques marocaines, et nous sommes en train de les finaliser», annonce Jouahri. «Nous avons indiqué que nous allons mettre des col­lèges de superviseurs qui vont régulièrement regarder la situation. Nous avons engagé des missions de contrôle sur place conjointement avec les autres régulateurs, et nous les avons invités au Maroc à chaque fois que nous avions une mission au niveau de la maison-mère». Il est vrai que le Maroc a une longueur d’avance sur les autres régu­lateurs, comme l’a mis en évidence le rapport du FMI et de la Banque mondiale sur les banques transfrontalières en Afrique. «Sachez que dans les régions où nous sommes le plus présents, c’est-à-dire en Afrique occidentale et en Afrique centrale, BAM pro­digue à ces régulateurs une assistance technique dans tous les domaines : super­visions, politique monétaire, audit, ressources humaines, comptablité, etc.», poursuit Jouahri.

Toujours est-il que Jouahri, malgré tous les gardes-fous mis en place, est loin de considérer que tout est au mieux dans le meilleur des mondes possible. En d’autres termes, il ne faut jamais bais­ser la garde. «Notre préoc­cupation du moment est de savoir, précisément, quels sont les instruments sur le plan institutionnel à mettre en place pour éviter le risque transfrontalier. Et si le risque frontalier est là, comment le résoudre ? C’est sur cela que nous sommes en train de travailler avec les autres régu­lateurs». Avant de conclure : «Je vous ai toujours dit qu’au niveau des banques il y a deux choses très importantes: la culture du risque et la gou­vernance. C’est pour cela que sur ce terrain-là, je n’affir­merai pas que ce que nous avons réalisé est suffisant et que nous sommes tranquilles. Au contraire, il faut le suivre et l’améliorer en permanence et, surtout tirer vers le haut, en permanence, les autres régulateurs».

 

A. Elkadiri- Finances News Hebdo.

 

 

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